Le Verbe s'est fait Chair

Jour de Noël

25 décembre 2022 à Granpré

Isaïe 52 7-10 - Hébreux 1 1-6 - Jean 1-1-8 

Nous venons d'entendre le commencement de l'évangile de Jean. Toute la richesse de l'aventure de Dieu et de l'humanité vient de se dérouler sous nos yeux. Je vais essayer de m'accrocher à une toute petite phrase, tant de fois dite et redite, retournée dans tous les sens, méditée en des milliers d'heures de veille et de sommeil… "Et le Verbe s'est fait chair…" 

A moins que nous ne soyons muets, il est une expérience que nous faisons toutes et tous à longueur de journée, c'est celle de la Parole. Depuis le "bonjour" matinal prononcé par habitude, le merci mécanique et poli, jusqu'aux mots les plus engageants, les plus osés, les plus meurtriers, les plus tendres et les plus vivifiants aussi, nous expérimentons sans cesse ce que c'est que de parler… Et voici que l'on dit que "le Verbe s'est fait chair".Nous ne sommes pas des anges ou des âmes, si pieuses soient-elles, accrochées dans le vide. Rien de plus concret que la chair. Rien de plus réel, n'est-ce pas, qu'un corps. La chair est concrète, tangible, objet d'attention et de soins délicats, voire même objet de culte, ou au contraire malmenée, négligée, bafouée. Et voici que l’évangile de Jean affirme que "le Verbe s'est fait chair". 

La Parole a pris corps. Dieu n'est pas une idée, une impression, un rêve, voire même une noble croyance ou une pure foi. Dieu n'est pas non plus une sorte de Zeus regardant distraitement les hommes du haut de sa lucarne céleste, ou de son clocher… Ce qui nous est redit aujourd'hui, c'est que Dieu est entré dans notre histoire humaine pour ne plus en sortir. Cet être mystérieux, inconnu, insaisissable, terrible même, qui planait sur les eaux et n'agissait que par événements historiques interposés, a osé venir se tremper dans notre humanité, se mêler à nos histoires, à nos joies, à nos problèmes. Il a voulu se poser lui-même les questions que nous nous posons sur lui et sur nous. Il est venu partager nos hésitations et nos doutes, nos désirs et nos manques, les saisons de l'existence humaine. 

"Et le Verbe s'est fait chair". Dieu est devenu humain. C'est bouleversant, quand on y pense, non ? Il est devenu fragile, et cette fragilité nous est devenue tangible, voire même révoltante, transparaissant dans cet enfant né dans la nuit de Bethléem. Et, venant parmi nous, il a commencé par dormir. Ou est-il, le "Dieu Tout-Puissant", dans l'impuissance désarmante de ce bébé dormant dans les bras de sa mère ? En Jésus, Dieu s'est limité, fragilisé. Il a refusé tout moyen de puissance puisqu'il va d'abord partager sa joie aux pauvres, aux sans voix, et non pas à ceux qui se servent de son nom pour mieux asservir le monde. Le Dieu vengeur n'existe pas, Dieu se révèle fraternel, c'est-à-dire proche et accessible, tendresse, amitié, service et bonté. Il vient partager nos joies, prendre part à notre bonheur. Par Jésus, Dieu entre dans la danse de nos joies humaines. Il vient verser nos larmes, rire de nos éclats, frémir de nos peurs. Lorsque Jésus naît, rien n'est plus comme avant entre lui et nous, rien ne peut plus être comme avant entre nous. Le Dieu vengeur est mort. Le Dieu Amour est né.

"Et le Verbe s'est fait chair". Il habite en nous. En chacun et en chacune de nous. Son image se reflète sur nos visages, dans nos cœurs d'hommes et de femmes. Le Verbe s'est fait beauté et bonté. Le cœur humain, voilà sa demeure préférée. Dieu se fait homme au ras du sol parce qu'il a confiance en l'homme. Dieu ne s'est pas incarné par désespérance, comme dans un ultime geste de rattrapage. Il est venu nous dire, en Jésus, que l'aventure humaine vaut la peine d'être vécue. Il est venu nous dire que la vie, que toute vie a une issue et n'est pas absurde malgré les si vilaines choses de notre monde. Pour lui, la seule façon de se venger du mal est de vouloir le bien, et de le faire encore et encore, et inlassablement. 

"Le Verbe s'est fait chair" n'est pas seulement un message, mais un messager envoyé par Dieu ; pas seulement des paroles verbales, mais Dieu personnifié par le Verbe qu'est Jésus. 

"Et le Verbe s'est fait chair". Dieu n'a pas inventé Noël pour ses guirlandes, ses bougies, ses sapins, ses festins. En Jésus, Dieu nous propose une Parole qu fait ce qu'elle dit. Une parole consistante, une parole qui fait vivre, qui nous fait vivre. Comment allons-nous à notre tour incarner nos propos, nos bonnes intentions, nos bonnes résolutions, nos souhaits, nos vœux les plus sérieux ? 

"Et le Verbe s'est fait chair". Et la Parole a pris corps. Et Dieu est devenu Humain. Simplement pour que nous le soyons davantage, mais à sa façon. Simplement pour cela. Alors soyons humains. Jésus nous en montre le chemin. Pour l'être mieux et l'être encore plus. 

"Et le Verbe s'est fait chair". Oui, c'est vraiment une bonne nouvelle, Jésus est la route de l'homme. Elle mène à Dieu et passe par nos frères. Alors joyeux Noël ! 

Amen.