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23 mai 2012

Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou

 Venu du Maroc où il réside, M. Pozzo di Borgo était de passage à Reims où il a travaillé dans le champagne. Il était accueilli par des amis. Il était accompagné d'Abdel Sellou qui a été durant dix ans son auxiliaire de vie. Abdel vit maintenant en Algérie, son pays d'origine, où il exerce le métier d'éleveur de poulets.

 Cette famille qui accueillait ce jour-là M. Pozzo di Borgo avait lancé des invitations à venir écouter son témoignage et celui d'Abdel. J'étais parmi ces auditeurs chanceux d'entendre cet ancien directeur de grande cave parler de l'état dans lequel il s'était retrouvé après un accident de parapente. Tétraplégique après deux mois et demi de coma avec l'impression d'avoir "brusquement perdu sa fonction sociale" et "sombré dans l'inutilité", avant de "trouver un second souffle" grâce à sa rencontre avec Abdel, son aide à domicile tout juste sorti de prison.

"Cet événement brutal m'a plongé dans une existence entièrement dépendante des autres. Je me suis alors aperçu que jusqu'à l'accident j'avais eu une vie suroccupée et agitée. J'étais réduit, sur mon lit d'hôpital, à regarder le plafond des mois durant. Je me suis rendu compte que j'avais zappé le plus personnel de moi-même. J'avais vécu dans l'agitation. Je mesurais l'importance du silence. Chaque jour, prenez au moins cinq minutes de silence".

 Philippe avait beaucoup voyagé dans le monde et en particulier aux Etats-Unis pour commercialiser le champagne de sa maison. Il était habité par la passion de l'Avenir. Le handicap définitif le réduisait à se faire guerrier du Présent. "Avant, mes enfants me disaient : tu es toujours parti. Aujourd'hui ils savent où me trouver".

 M. Pozzo di Borgo confie que sa grande découverte, c'est le besoin de l'autre. Nul ne vit vraiment sans les autres. C'est un message universel. Philippe va jusqu'à dire que la fragilité dans laquelle il se trouve est une richesse. L'argent aide à résoudre des difficultés matérielles que le handicap génère, mais ne remplace pas la présence de l'Autre. Abdel a rempli ce rôle de présence et de soins, toujours avec humour, sans peur et sans condescendance.

 Le film "Intouchables" restitue magnifiquement cette complicité joyeuse entre ces deux êtres, issus de deux mondes sociaux que tout opposait. Tous deux n'étaient-ils pas animés par cette conviction que, lorsque l'on ne peut ajouter des jours à la vie, il faut ajouter de la vie aux jours… A l'une des questions posées par l'animateur de la rencontre : "Votre handicap a-t-il des répercussions sur vos convictions philosophiques voire religieuses ?", Philippe a répondu : "Le centre de gravité de ma vie s'est déplacé. Avant, ce qui comptait le plus pour moi c'était ma tête, aujourd'hui ce sont la Paix et la sagesse intérieure qui apportent un salut à ma vie".

 Après ce témoignage à deux voix, Philippe et Abdel se rendaient à Paris, invités par Martin Hirsch pour soutenir un manifeste notamment cosigné par Jean Vanier, fondateur des communautés de l'Arche, et Laurent de Cherisey, directeur de l'association Simon de Cyrène que soutient financièrement Philippe avec les 5% de recettes du film "Intouchables" qui a déjà été vu par 40 millions de spectateurs dans 47 pays.

 Abdel a évoqué la banlieue où il a été élevé, où il jouait au caïd : "Je croyais être le meilleur... J'étais en réalité un handicapé social…"

"Le handicap nous enseigne, souvent avec brutalité, l'art de l'Autre et la nécessité du groupe", conclut dans un article de La Croix paru le 16 mai M. Pozzo di Borgo.

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