Réflexion "morale"…

Comme beaucoup, j'ai été étonné par les 25% de voix obtenues par Marine Le Pen lors des dernières élections européennes. Il n'est pas du tout question de suspecter la réalité des suffrages démocratiquement exprimés. Ce qui peut peiner est que ce vote est un cri de souffrance et de colère de citoyens qui se sentent mal représentés dans le fonctionnement actuel de notre société.

 Ils sont mécontents des élus auxquels régulièrement ils donnaient sans doute leur voix. Ils sont déçus par une Europe qui ne produit pas les fruits espérés et selon eux n'offre que les épines. Ils n'ont plus confiance dans les discours qui déroulent des promesses flatteuses et démagogiques prononcées par les ténors politiques sur les plateaux de télévision ou à la tribune de meetings électoraux ! Et lorsqu'au mensonge, à la tromperie, viennent s'ajouter la cupidité et des magouilles d'argent, alors les citoyens avouent qu'ils ne croient plus du tout à la vertu des "politiques".

 Ils "divorcent" alors de leurs attachements habituels et rejoignent le parti dont l'existence et le développement se nourrissent des déceptions des gens de tout bord. Ainsi plus il y a de difficultés de toute sorte, plus il y a d'échecs, et plus il y a d'occasions et de raisons de dénoncer l'incapacité et l'incurie des élus aux manettes et des institutions chargées de la mise en œuvre des décisions. Désigner un ou des boucs émissaires devient alors une irrésistible tentation pour se défausser et recharger son crédit !

 Pour les uns, les ornières actuelles sont les résultats d'erreurs des prédécesseurs. Pour les autres, tout provient des administrateurs de l'Europe. Et d'autres tirent la conclusion que la seule bonne solution est de revenir au passé et de casser ce que l'on n'a pas assez bien ou trop lentement édifié jusqu'à présent. Ce parti de Mme Le Pen se nourrit donc des échecs réels et de promesses sans fondement, de la morosité et de la naïveté de gens lassés et désarmés.

 Or c'est ce qui personnellement me peine le plus dans les résultats de ce vote. Pour obtenir leur suffrage, on a une fois de plus bercé d'illusions tant de gens, souvent démunis de moyens de discerner la vérité de ce qui leur était proposé ! C'est un peu comme si les prêtres profitaient du désarroi des familles en pleine souffrance, devant la perte d'un être cher ou un grave échec, pour leur offrir la religion comme une solution magique ! J'aurais honte d'agir ainsi. En réalité, nul n'a le droit de "profiter" de la souffrance des autres pour les emmener là où on ne leur a pas donné les moyens de vérifier la pertinence de la proposition !

 Comme l'écrit si bien Hervé Chabaud dans un de ses éditoriaux : "Aucune personne sensée ne peut se satisfaire d'être spectatrice d'une décomposition du système politique français. Il y a pourtant des valeurs nobles pour servir l'intérêt général. Elles se nomment la probité, l'honnêteté, l'éthique, la disponibilité. Ce sont des qualités indispensables… Il s'agit d'être acteur et serviteur plutôt que consommateur et profiteur. L'urgence exige de se les réapproprier, sans quoi tout système politique est menacé par les clientélismes, les mafias, l'opacité qui minent les fondements de l'Etat de droit. Sans ce socle solide, il n'y a pas de société apaisée et fière de construire son avenir en se nourrissant des repères qui font sa personnalité".

 Et le titre de l'édito "Ethique de responsabilité" vaut pour tous ceux et celles qui prétendent servir "les autres" et le pays dans un engagement, a fortiori s'il est politique. En paroles et en actes, se montrer "responsable".