Lors d'une bénédiction de vitraux

 Les vitraux sont pour un édifice religieux les ouvertures par lesquelles la lumière du jour et la vie du monde peuvent pénétrer à l'intérieur. Inversement, les vitraux font des brèches dans les murs épais, et par eux sortent au dehors les prières et les chants de supplication et de louange repris en chœur par des croyants rassemblés. D'ailleurs la vocation d'un lieu de culte n'est-elle pas d'accueillir et de recueillir pour les offrir au Père des cieux la prière de ses enfants de la terre ? N'est-elle pas aussi de ressourcer ceux et celles qui s'y rassemblent, en particulier par sa Parole et son Pain de Vie ?

 Par sa conception, le vitrail délivre déjà un message à qui s'arrête devant lui pour le contempler. En effet, un vitrail est fait d'éléments divers qui, étant associés et solidarisés, figurent le plus souvent un personnage ou un paysage… Ainsi la structure même d'un vitrail n'est-elle pas une invitation faite aux croyants à faire communauté, s'appuyer les uns sur les autres s'ils ont pour mission de témoigner du Christ ? Membres distincts, ils deviennent le Christ quand ils vivent unis tout en étant différents, à l'image de ces éléments que le vitrailliste assemble pour créer son œuvre de lumière et de couleurs. Car celles-ci ont bien sûr un sens. Le rouge, le bleu, le jaune, le vert, selon leur place et leur intensité, offrent des enseignements distincts et pourtant convergents. S'il s'agit de saint Laurent martyr mort en d'atroces souffrances, l'artiste mettra du rouge, couleur dominante, en raison du sang versé.

 Un vitrail n'est lumineux et admirable que lorsqu'il est traversé par les rayons du soleil. De la même façon, la vie de toute personne, fût-elle belle, sage et sainte, n'attire notre admiration qu'en certaines circonstances. L'existence chrétienne ne devient témoignage de foi, d'espérance et de charité, que lorsqu'elle se laisse baigner par l'amour miséricordieux et lumineux venu de Dieu. N'apprécions-nous pas dans nos relations aux autres, en couple, en famille, dans la vie associative, communale, paroissiale, que nos contacts soient sincères, transparents, vrais, en pleine lumière ? Les vitraux d'une église nous rappellent constamment que notre vie se déroule dehors, en pleine clarté, en plein vent du monde.

 Nombre de vitraux font mémoire de ces hommes et de ces femmes, les saints, qui ont réalisé dans leur existence ce qu'ils croyaient dans leur cœur de chrétiens. Ils sont aussi des piliers de notre histoire religieuse, sur lesquels s'appuient nos communautés chrétiennes actuelles. A côté des statues, des icônes, des peintures, il est des vitraux qui rappellent à nos sens, à notre intelligence et à notre conscience les dons que nous recevons de Dieu et les appels que celui-ci nous fait à reproduire aujourd'hui en nos vies ce que les saints ont vécu dans la leur.

 Quand des petits enfants font leurs premiers dessins, gribouillant en traits non maîtrisés des personnages non reconnaissables, les parents les trouvent pourtant admirables et les épinglent sur les murs de la salle commune. Le vitrail le plus modeste dans la chapelle la plus retirée et la moins fréquentée mérite d'être contemplé comme une œuvre, voire même un chef-d'œuvre. Le créateur y a mis tout son savoir et son cœur. Le vitrail diffuse un appel à adopter en notre vie les valeurs que saint Laurent a pleinement intégrées dans la sienne.

 Une église se donne à voir. Elle est aussi un lieu où l'on peut entendre et emporter des messages à vivre.