Portrait robot de "l'incroyant" actuel…

Est-il possible de dresser un portrait de l'homme ou de la femme sans croyance religieuse dont la description soit applicable à la plupart de nos contemporains se déclarant athées, agnostiques ou le plus souvent indifférents ?

L'indifférent aime la normalité qui consiste pour lui à jouir des possibilités qu'offre la société actuelle : des connaissances pour comprendre, choisir, s'orienter, une bonne santé et des moyens pour la conserver et la soigner, une profession pour gagner les moyens de subvenir à ses besoins et ceux de ses proches, s'entourer d'un réseau familial et amical pour satisfaire à sa faim de relations et de communication, d'échange et de partage, de confrontation, se faire plaisir et s'épanouir, seul ou avec d'autres, dans des loisirs, des disciplines sportives, des voyages et des vacances…

Souvent lucide sur les pièges de la culture consumériste, l'homme contemporain choisit toutefois d'en bénéficier en sélectionnant parmi tout ce qu'elle propose ce qui lui convient. Il prétend se positionner grâce à une liberté individuelle affirmée qui l'incitera à se prémunir et parfois même à se méfier pour se donner les moyens de choisir. Il exprimera de la distance par rapport aux discours politiques. Il essaiera de ne pas devenir accroc de biens de consommation vantés par les publicités. Par rapport aux courants de pensée et aux religions, il développera en lui un esprit critique débouchant sur une attitude de rejet ou à tout le moins d'attente. Il gardera peut-être la foi sous le coude en se disant qu'il aurait toujours le temps d'y penser, pour lui et pour ses enfants. Gagner de l'argent qui lui permette de bénéficier de tout ce qu'offre la société sera pour lui une préoccupation majeure pour lui et sa famille.

Peu enclin aux engagements longs car influencé par la culture de l'urgence, du présent et de l'immédiateté, il aura du mal à s'engager dans le long terme, mais acceptera souvent de s'engager dans une initiative ou une cause ponctuelles. Il est croyant en la vie, au concret, influencé par l'esprit cartésien et rationnel, sensible au visible, aux chiffres et aux statistiques… S'il est interpellé sur le sujet, il se dit humaniste exprimant sa conviction que seul l'humain a les moyens de sauver l'humain. Il ajoute même qu'il n'est pas contre Dieu. Il vit bien sans lui. Il est plus indifférent que croyant. Dans une société qui privilégie l'utile et le rentable, consacrer du temps à la dimension verticale de la vie lui semble être quasi du gaspillage et même du détournement d'énergie, de l'illusion entretenue.

Or j'ai souvent constaté que cette indifférence tranquille gagnait énormément de monde aujourd'hui. Je pense aux jeunes générations embarquées dans ce vaste mouvement de l'histoire dont plus personne ne maîtrise plus rien, ni les instruments de bord, ni le sens, ni le port d'accostage visé ! Je me demande souvent ce qui éveillera ces peuples sereinement ignorants qu'une autre vie les attend après le passage obligé de leur mort et qui nait et grandit dès leur vie actuelle à travers leurs choix, leurs façons d'être, de penser et d'agir, d'aimer, de servir, de prier et de remercier.

Certes l'homme croyant comme l'homme indifférent sont également aimés de Dieu, sauf que l'un a la chance de le savoir tandis que l'autre l'ignore, et cette différence change radicalement la façon d'envisager son séjour terrestre !