Ah, "la famille…"

Sans avoir jamais fondé une famille, j’ai, dans ma mission de prêtre, parfois été témoin en direct et souvent confident de la vie de parents et d'enfants vivant sous le même toit. Aussi je me considère légitime à évoquer dans ce billet ce qu'il apparaît important et même essentiel de développer dans les familles. 

La vie familiale est le creuset où chaque membre apprend à reconnaître et côtoyer "l’autre" et à en tirer le bénéfice de se découvrir soi-même dans une identité singulière. A partir de principes généraux et de la vie quotidienne, les parents se révèlent comme mari et femme et bien sûr comme père et mère de leurs enfants. Ces couples se sentent appelés à transmettre aux enfants des connaissances, mais aussi des repères comme autant de valeurs morales dont ils ont besoin pour trouver leur chemin et ravitailler leur vie. Les relations faites d'écoute, de bienveillance, certes de temps en temps de heurts, d’élévation sonore de la voix, de mésententes et aussi de pardons et de réconciliations, de mises au point, tissent et confortent des liens privilégiés dont chacun(e) pourra bénéficier tout au long de son existence. C'est pourquoi la famille est le point de départ formateur de la vie de chacun. Elle est aussi une richesse humaine pour celles et ceux qui auront eu la chance de trouver les fondations de leur existence. 

Il me semble que la vie familiale apprend d'abord à chaque membre à consentir au réel. Il faut éviter de rêver d’être ailleurs que là où l'on est et avec celles et ceux que l'on côtoie habituellement. Apprendre à composer avec ce qui constitue l'environnement est préférable. C'est pour moi une façon d'affirmer qu'il n'y a jamais de fatalité. Des drames peuvent survenir dans des familles et marquer profondément chacun des membres : décès du père, de la mère, d'un enfant, divorce, recours permanent à la violence, tensions et incompréhensions durables. Même sous les apparences d'échecs et de blessures graves, chaque membre d'une famille ainsi éprouvée peut en tirer un enseignement pour sa vie et initier de meilleures façons pour la conduire ! 

Parmi tous les travers observés dans certaines familles, la tendance qu'ont certains parents à fusionner avec leurs enfants peut être préjudiciable à ces derniers. Car se développer demande d'apprendre à prévoir, se protéger, oser expérimenter ses pensées, se confronter aux petits et grands événements de l'existence… Aimer ses enfants, ce sera donc les éveiller, les accompagner vers la sortie qui sera pour eux l'entrée dans l'autonomie de leur vie. L'éducation a besoin d'altérité pour que l'identité singulière et sereine de chacun(e) puisse peu à peu émerger. Entre une éducation rigide remplie d'interdits et d'encadrements bornés et une éducation libérale sans repères ni normes qui oblige l'enfant à inventer lui-même tous les signaux importants de son itinéraire, la famille, sous la responsabilité première des parents, est un lieu de découverte, de concertation, et même de contestation. La famille permet d'évaluer une échelle graduée des valeurs humaines. Elle est la cellule de base de toute société tout en ayant des fonctionnements qui varient de par le monde et connaissent des évolutions liées aux époques et aux modes de vie dans la diversité des civilisations et de leurs histoires. 

Toutefois la famille n'est pas le tout de la vie humaine. Après avoir "reçu", tout enfant voudra à son tour "donner", continuer, parcourir son chemin en accédant à l'âge adulte. Or il ne pourra jamais fournir et offrir aux autres que ce qu'il a lui-même reçu, assimilé, en y ajoutant ce qu'il aura lui-même cultivé dans le champ de la vie. La famille demeure un tremplin pour la vie entière. Merci aux familles, la nôtre et celle des autres !