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Les billets du Père Lucien Marguet
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24 décembre 2022

A quand les gilets jaunes dans l’Eglise ?

 

On me dit avec regret ici ou là que les « autorités ecclésiastiques » actuelles ne souhaitent pas de célébrations dominicales en l'absence de prêtres. Comme il manque de prêtres, ce serait par conséquent aux chrétiens de faire chaque dimanche des kilomètres pour assister à la messe « regroupée » ! Cette exigence de la part de l'Eglise ne fait qu'ajouter à tous ces déplacements obligatoires pour aller au travail, à la crèche, à l'école, au gymnase, à la piscine sans oublier chez le boulanger, les commerces de ravitaillement et le cabinet médical de plus en plus éloigné lui aussi en milieu rural ! 

L'Eglise ne se sent-elle pas « ridicule » d'exiger que la foi personnelle et communautaire ne puisse s'exprimer qu'à la condition d'aller parfois très loin de chez soi ? N’y a-t-il pas là de sa part un signe caractéristique de son cléricalisme qui n'envisagerait aucune rencontre religieuse sans la présence d'un prêtre ? L’Eglise diocésaine a-t-elle connaissance de ce que sont la vie rurale et ses contraintes ? En quoi en effet un prêtre devrait-il nécessairement être présent lors de toutes les démarches de foi des croyants, y compris la prière ? L'écoute commune de la Parole de Dieu, son explication et son actualisation sont-elles un monopole des clercs ? Pourquoi n’y a-t-il pas encore assez de laïcs informés et formés capables d'entretenir les pratiquants de leur communauté chrétienne de base par un enseignement biblique de qualité et la conduite de célébrations à l’image de ce qui se fait très bien pour les obsèques ? Cela suppose, je le sais, que soit évitée à tout prix l’émergence de quelques chrétiens qui seraient tentés de monopoliser à leur tour ce service… 

À mon avis tous les regroupements factices ne sont qu’illusion d'unité ! En réalité ils ne font que décourager et appauvrir les croyants du rural profond. Ce qui édifie une communauté chrétienne et lui donne l'énergie pour rayonner et interpeller se trouve dans les personnes insérées dans leur milieu de vie et les relations fraternelles qu'elles développent entre elles. Ainsi, comme les institutions politiques, l'Eglise semble vouloir, en rural, adopter la solution qui consiste à encadrer et rassembler. Ce que l'on peut assimiler aussi à de l'écrémage. Car seules quelques personnes accepteront de convenir à ce processus que l'on peut qualifier d’éliminatoire, et les autres, la majorité, seront peu à peu « oubliés ». 

Déjà la belle messe du « Jour du Seigneur » a entamé le nombre de participants aux offices dominicaux locaux. Les listes d'enfants inscrits au catéchisme ont considérablement diminué, alors demandons-nous pour quelles raisons. Qu'il faille former davantage les personnes habilitées à animer les célébrations en l'absence de prêtres est donc, selon mon point de vue, une urgence. Ayant vécu durant sept ans dans la savane du Nord Cameroun, je peux dire que c'est ce que les missionnaires pratiquaient. Le but des prêtres n'était pas de rendre leur ministère indispensable, mais de permettre aux gens de recevoir et de s'approprier la bonne nouvelle de l'Évangile pour en vivre avec bonheur et la partager dans leur milieu animiste ! Je crains toujours que les clercs, tout en ayant le souci de former les chrétiens adultes, ne gardent le trousseau de clés des portes qui permettent d'en vivre. Remettons le Christ et l’Evangile au centre de notre Eglise et de la Foi. Ils sont présents au plus près du croyant qui les accueille. 

Le centre, l'essentiel de toute communauté chrétienne, n'est pas le prêtre ou l’évêque, mais le Christ dont les clercs ne sont que les serviteurs, bien sûr parfois utiles ! Autant je trouve très souhaitable que les cellules de l'Eglise de base, en rural tout particulièrement, aient des moments de ravitaillement et de contemplation intenses et suivis, autant je comprends que des temps et des lieux de rassemblement avec d'autres communautés puissent donner la joie de se rassembler et de « faire église diocésaine » à l’occasion d’événements marquants. N’oublions pas cette première étape au plus près de la vie personnelle, familiale, communale, sociale ! La « crèche » de Jésus Fils de Dieu incarné n’est-elle pas le cœur et l’âme de tout être humain ?

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