Le Corps et le Sang du Christ

En scrutant histoire biblique et en particulier les récits évangéliques de la vie de Jésus, nous avons pu mettre un contenu à notre foi chrétienne dans le Dieu Trinité. Il est légitime en effet pour les croyants de chercher à mieux connaître et comprendre ce qui est qualifié de Mystère et d’en conclure un peu vite que c'est incompréhensible pour l'intelligence humaine ! La foi et la raison doivent toujours se rejoindre et s'associer. Vouloir tout expliquer ou ne se réfugier que dans une foi naïve sont deux attitudes qui n’honorent pas la dignité de l'homme doté par Dieu de cette belle faculté que l'on appelle la raison et le jugement !

Dans ce même esprit, je vous propose de dresser une liste de raisons pour lesquelles Jésus a institué le rite de la consécration du pain et du vin en son Corps et en son Sang. Pourquoi a-t-il choisi de demeurer parmi nous et même en nous qui recevons l'hostie de cette façon là, jusqu'à devenir nous-mêmes des tabernacles ambulants de sa présence réelle ? Je voudrais évoquer des motifs à la fois d'ordre historique, anthropologique, culturel et cultuel qui contribuent à faire de la consécration et de la communion le cœur de notre foi chrétienne.

Depuis la libération de leur exil en Égypte grâce à Dieu qui en avait chargé Moïse, les Hébreux vont rituellement célébrer la Pâque avec du pain sans levain, en souvenir de ce retour vers la liberté et la vie communautaire. Quelques heures avant d'être crucifié et de donner sa vie pour le salut de toute l'humanité, Jésus greffe sa Pâque sur celle du peuple dans lequel il est né et a vécu. Il étend la libération des Hébreux à la libération de tous les peuples de toute époque de l'histoire. Ce soir-là il ne donne pas autant du pain que sa vie entière. "Prenez et mangez", "Prenez et buvez". Chacun(e) prend et réceptionne en soi, se retrouvant par là uni(e) à celles et ceux qui reçoivent aussi Jésus ainsi, dans une communion que Jésus établit entre tous, grâce à l'union que chacun accepte et développe avec lui. Toute personne qui reçoit Jésus dans le Pain de Vie doit se sentir appelée à être le visage, les yeux, les oreilles, les bras et les jambes de Jésus, et membre acteur et bénéficiaire de ce corps qu’est l'Eglise du Christ.

Je vois dans ce choix du pain et du vin une façon pour Jésus de poursuivre son Incarnation, de son lien à la nature et aux cultures diverses du monde. Les repas et les partages de nourriture sont des rites universels. Jésus de Nazareth aimait répondre aux invitations et célébrations humaines. En donnant pouvoir aux apôtres de se réunir en son nom et de réitérer chaque fois les mêmes gestes qu’Il fit ce soir là  - "Faites ceci en mémoire de moi"-, Jésus leur donne les clés pour le rendre réellement présent. Ainsi à la suite de l'alliance définitive qu’Il a scellée par son Incarnation, Jésus présent dans le Pain de Vie continue à actualiser et manifeste sensiblement cette alliance. Après la multiplication des pains au bord du lac, Jésus avait dit : "Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie en lui". Les premières communautés chrétiennes avaient bien intégré cette conviction que Jésus serait là au milieu d’eux et serait le lien, l'alliance qui ferait d’eux des frères et sœurs. Lorsque Jésus dit à ses proches : "Le pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour la vie du monde", les Juifs s'en offusquent : "Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ?" Et quand ses disciples s’interrogent : "Cette parole est rude ! Qui peut l'entendre ?", beaucoup d’entre eux s’en vont (Jean 6 ^{51 60}). "Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne (1ère Cor.s 11 ²⁶)".

Le Christ non seulement se donne, mais il nous donne de nous offrir dans son offrande. Manger Dieu, c’est accepter de devenir un Don. Saint Augustin aura cette formule géniale : "Devenez ce que vous recevez".