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Les billets du Père Lucien Marguet
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19 avril 2020

Comme la Tour de Babel…

 

La « mondialisation » et la « globalisation » qui qualifient souvent la société universelle actuelle m’apparaissent ressembler à ce que nous raconte la Bible dans le récit de la Tour de Babel (Genèse 11, 1-9). « Tout le monde se servait de la même langue et des mêmes mots ». « Allons, bâtissons une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux. Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ». Dieu perçoit dans ce projet d’abolir les distances et les différences, d’uniformiser et non d’unir, d’atteindre le ciel sans passer par la dispersion et la pluralité de la condition humaine, une ambition contraire à la création elle-même.

En effet,  Dieu a créé l’univers et ce qui le compose par l’acte de « séparer » le ciel et la Terre, les eaux d’en-haut et celles d’en-bas, les jours et les nuits, l’avant et l’avenir, le Temps et l’espace, les végétaux et les animaux et tant d’espèces par myriades… Ce faisant, Dieu nous apprend à distinguer et à créer de la distance et des relations possibles entre tous les éléments créés, y compris, bien sûr, entre l’homme et la femme, entre les peuples résidant sur toute la surface de la Terre. Dieu a créé l’altérité par laquelle l’homme doit passer pour rencontrer, connaître, comprendre, respecter  les autres. Or, en rêvant de supprimer toute distance avec Dieu et avec les autres, les gens de Babel risquaient d’abandonner toutes les richesses d’humanité que l’acceptation de l’altérité et des relations génèrent. Aussi, pour leur barrer la route à ce qu’il considère comme une voie négative, Yahvé décide de disperser ces peuples agglutinés les uns aux autres.

Or, je vois dans certains projets humains actuels la tentation de s’évader et de déloger Dieu de l’univers pour se faire dieu sur Terre, de tout décider par soi-même. A force de dérouler l’histoire dans l’immédiateté et d’abolir distance et délai, l’homme « moderne » risque d’en oublier ses limites et ses faiblesses, il peut finir par ne plus faire les efforts indispensables pour consentir aux distances  et,  par-dessus tout, à ne plus reconnaître l’identité singulière, son origine raciale, sociale, familiale, son appartenance religieuse et culturelle. La mondialisation et la globalisation à la façon de Babel seraient donc un danger pour l’humanité.

Alors que le monde traverse et subit une pandémie virulente, le conseil répété à longueur de journée, tant par les soignants que par nos dirigeants, est de garder les distances les uns vis-à-vis des autres. Or, loin de nous éloigner, ce confinement et ces gestes barrières qui nous sont commandés creusent en nous le désir de nous rapprocher, de développer des relations d’amitié et d’affection plus profondes et plus intimes.

Privés de messe et de rassemblements communautaires, les chrétiens eux-mêmes confient que cette épreuve leur fait ressentir que la religion les relie et les allie jusqu’à vivre intensément une « communion » en Jésus qui continue, par l’Esprit, à nous transmettre son souffle de vie. C’est, pour chacun(e) d’entre nous, un appel à renforcer la qualité de nos relations conjugales, familiales, sociales, ecclésiales, internationales. Il se peut que nos communautés chrétiennes retiennent de cette période sans assemblées dominicales le goût pour la beauté et la grandeur des célébrations dépouillées dans lesquelles Jésus et l’Évangile et « l’autre et les autres » sont assis au premier rang.

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