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Les billets du Père Lucien Marguet
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4 mars 2023

Pour une société qui consent à être plurielle, composite et évolutive

 

A l'échelle du monde et même des sociétés locales, les maîtres-mots devraient être : dialogue, concertation, négociation, évolution et progression… Ne doit-on pas renoncer à ces autres mots : clanique, tribal, affirmation catégorique, et les remplacer par : manque, doute, ouverture, écoute, accueil, rencontre, partage !… La parole prononcée et celle reçue ne peuvent jamais être une épée tranchante qui clôt un échange ou enfonce l'autre dans une posture fermée de ses idées et de ses activités ! 

La parole doit être au contraire le chemin privilégié pour s'expliquer, connaître et comprendre un peu mieux le point de vue de l'autre, donc fabriquer des passerelles et des ponts même s'ils sont suspendus et en équilibre précaire ! Toute parole prononcée ou échangée ne doit jamais être un dernier mot, mais plutôt une des pierres de la construction que chaque interlocuteur doit tailler pour qu'elle devienne avec celles des autres « clés de voûte », arcs-boutants de l'édifice « vérité » toujours plus grand que ce que chaque compagnon peut envisager tout seul. 

Aucune alternance de pensée ni d’objection ne doit prétendre clore un débat en cours, une recherche commune. Aucune parole ne doit jamais répandre le soupçon, la médisance, le mépris, la vulgarité, la calomnie, tous ces parasites possibles qui peuvent venir brouiller la conversation et fâcher ceux qu'elle entre-tient. Chacun est invité à garder des ouvertures pour sortir de soi et de chez soi et permettre à d'autres des visites inopinées et, pourquoi pas, bousculantes. 

Par exemple l’art de faire vivre les démocraties demande de renoncer à ces « balcons » qui donnent la suprématie aux bavards, aux idéologues dogmatiques, et bombardent leurs auditoires de formules convenues et trop souvent imposées comme le dernier mot. Certains ténors, ayant des idées sur tout, ont recours à l'humiliation, à la caricature des convictions des autres et, à cause de cela, empêchent toute progression commune pouvant aller jusqu'au consensus. Certains déguisent le mensonge en vérité et celle-ci en leurre ! 

Chacun n’est-il pas appelé à faire un pas vers l'autre, ayant compris et admis que celui-ci aussi détient une part de vérité ? Renoncer à posséder le tout et consentir au partiel et au provisoire et donc au manque et à la nécessité de progresser, n'est-ce pas ce qui est souhaitable de la part de tout citoyen et de tout chrétien ! Il ne faudrait pas concevoir la foi comme une possession, ni privée ni communautaire, mais plutôt comme un chemin sur lequel on avance à l'image des disciples d'Emmaüs. Avant qu’ils reconnaissent Jésus à la fraction du pain dans l'auberge où ils l'ont convié : « Reste avec nous », il leur a été donné de converser en route pour en apprendre plus… 

En conclusion de ce billet, je voudrais confier un joli texte écrit par le frère John Martin Shajananda et rapporté par Julie Saint-Bris, psychanalyste, dans le journal La Croix : "La religion doit être un nid et pas une cage, elle doit être envisagée comme un nid qui permet à l'être humain de grandir, d'évoluer, de devenir conscient et de s'humaniser en même temps qu'il se divinise". Un nid au sein duquel règne cependant une loi pour mettre de l'ordre, nous aider à discerner, à réaliser notre désir profond et à devenir fécond là où nous sommes. Mais si la loi devient trop absolue, elle transforme la religion en cage, en prison qui nous empêche d'accéder à notre conscience propre. Le réflexe des hommes n'est-il pas de transformer le nid en cage, les religions en absolu, leurs lois en règlements et certains de leurs représentants en guides spirituels un peu trop vénérés ? C'est un exercice compliqué de marcher sur une crête, d'être ancré dans une tradition tout en tentant d'écouter sa conscience. D'être ouvert au souffle de l'Esprit pour ne pas transformer le nid en cage. Aussi l'invitation à transformer nos cages en nid nous est lancée à tous !

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